L’Italie du GRAND TOUR dans la littérature et...

L'Italie du GRAND TOUR dans la littérature et...

L’Italie du GRAND TOUR dans la littérature et l’art, de Goethe à Canaletto et à Pompeo Batoni

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Quand on évoque le voyage en Italie d’intellectuels européens, on pense sans équivoque aux voyageurs du Grand Tour. Ce sont eux qui ont fait le voyage en Italie dans le sillage des théories de Winkelman. Ils sont à la recherche de l’antiquité classique ou de témoignages gréco-romains. Ils sont poussés par le désir d’aller à la source de la beauté, de découvrir ses canons mais aussi ses modèles anciens et païens. Ils veulent donner corps aux idées des Lumières, aller à la recherche esthétique de la perfection, mais aussi regarder la condition des hommes, des citoyens.
C’est pour cette raison que, dans les portraits de Pompeo Batoni commandés par les “milords”, on retrouve à l’arrière-plan des antiquités romaines, des bustes ou encore des ruines. Dans les écrits de ces voyageurs, les descriptions des lieux évoquent fréquemment l’antiquité mais aussi l’injustice sociale du monde présent et les conditions de misère du peuple.

Mais à côté de ce voyage, celui des Lumières aux sources de l’Antiquité, à la même époque, à savoir au début du XIXème siècle, une autre sorte de voyage apparaît. Il pourrait, en apparence, être assez semblable mais en réalité il est profondément différent. Cet autre parcours se déroule dans les mêmes lieux que le Grand Tour mais avec un point de vue différent, ce sera celui du courant romantique.
Outre les destinations traditionnelles comme Venise, Florence, Rome, Naples, Pompéi ou la Sicile, de nouvelles escales s’ajoutent, comme les villages médiévaux et surtout Rome. Rome sera choisie comme étape finale mais ce ne sera pas la Rome romaine, classique et païenne qui sera découverte ! Non, ce sera la Rome du christianisme primitif, la Rome du Moyen- ge, celle qui est fortement caractérisée par un profond sentiment religieux.
Plus généralement, ce sera l’Italie du Moyen-Age et toutes les petites villes médiévales telles que Fiesole, Urbino, Assise, où le Moyen-Age et la première Renaissance ont laissé une empreinte profonde imprégnée de christianisme et de religiosité, qui viendront s’ajouter aux étapes du grand parcours laïque et artistique.

Du XVIe au XIXe siècles, l’Italie fut constamment la destination du voyage de formation de la noblesse européenne : les jeunes des familles anglaises, françaises, allemandes, nordiques se sont embarqués dans un voyage qui les a mis en contact, le long de la péninsule italienne, non seulement avec la beauté, l’art et la nature mais aussi avec des réalités et des structures politiques différentes.
La République Sérénissime de Venise, les duchés de Milan, de Toscane, l’État pontifical, le Royaume de Naples offraient des réalités différentes qui leur ont permis d’observer l’effet social de ces formes de gouvernement. Et donc le voyage prenait la valeur d’une aventure éducative au sens large, même si l’aspect du voyage artistique était de loin le plus répandu.

Par tous ces voyageurs, par tous ces touristes, le voyage a été décrit en détail dans des journaux intimes, des lettres, des dessins, des souvenirs qui ont alimenté une forme spécifique de littérature. Le récit de voyage est devenu par la suite un genre spécifique… qui est encore très agréable à lire aujourd’hui.
Le voyage de Goethe en Italie raconte ses émotions au contact de l’important témoignage romain des arènes de Vérone, de la suggestive lagune ou de la découverte de Venise du haut du clocher de San Marco. Mais le poète partage aussi l’émotion de voir les ruines du Forum romain, le Panthéon, les aqueducs de la campagne romaine où son fidèle ami Tischbein le dépeint, mais aussi la curiosité pétrie de réprobation pour les rites et liturgies de l’église romaine.
La correspondance de Charles de Brosses saisit plutôt les aspects des costumes, des coutumes des familles, le libertinage des dames dont il fréquente souvent les alcôves, mais aussi les rencontres avec des scientifiques et des écrivains comme Ficoroni et Metastasio.

Goethe et De Brosses font tous deux une excursion sur le Vésuve lors de leur descente vers Naples. Tandis que le poète allemand parle de son émotion face à la montagne fumante et décrit les espèces botaniques en mettant en valeur la riche flore de la péninsule… nous l’appellerions aujourd’hui la biodiversité. De Brosses, lui, préfère parler du Vésuve et de son éruption qui provoqua les ruines… d’Hercolanum dont les fouilles commencèrent à cette époque.

Le contenu, les témoignages et de nombreuses œuvres du Grand Tour d’Italie peuvent être admirés dans une belle exposition en cours à Milan à la Gallerie d’Italia sur la Piazza della Scala. Vous y trouverez des vues de Venise par Canaletto, des portraits par Pompeo Batoni, des « caprices » de ruines (inventions et superpositions de ruines) et de nombreuses œuvres qui témoignent de cette grande période de l’histoire et de l’art italien.

Texte de Maria Luigia Argentiero

Exposition GRAND TOUR. SOGNO D’ITALIA DA VENEZIA A POMPEI

Gallerie d’Italia, Milano
Jusqu’au 27 mars 2022
https://www.gallerieditalia.com/it/milano/