Les ponts à Rome

Les ponts à Rome

Les ponts à Rome

Quel pont préférez-vous à Rome ? Question difficile…on les traverse, on fait des photos, on les regarde superficiellement mais à Rome, un pont est un monument.

Avant de parler des ponts de Rome (et pas de tous car il y en a 26 !), il faut parler de son fleuve le Tibre et de son affluent l’Aniene. Il était considéré comme une sorte de divinité dès les premiers habitants des “sette colli”.
Incroyable mais souvent les romains eux-mêmes n’en connaissent pas tous les noms.
Ces fameuses “sept collines” sont toutes sur la rive gauche du Tibre (juste un petit rappel) :
Le Palatin, la plus célèbre avec le symbole de Rome, le Colisée, entouré de vestiges antiques ; l’Aventin, le Celio, le Capitole, l’Esquilin, le Viminal, le Quirinal.
Le Tibre a été fondamental pour transformer la ville de petite agglomération rurale en puissante ville de l’époque impériale jusqu’ à la capitale touristique actuelle.

Parmi les vingt-six ponts, certains sont fondamentaux et vraiment anciens parce qu’ils sont riches d’histoire et nous parlent eux aussi de l’empire romain. Leur construction répondit aux exigences de communication et de transport face à l’expansion de la ville. Si on les observe avec attention, on peut y lire une date, une inscription, un témoignage.

  • Pont Sublicio en 614 av. JC

Vers la fin du VII° siècle, en 614 av. JC sous le règne de Anco Marzio, les Romains commencèrent à ressentir le besoin de communiquer avec les gens de l’autre rive (frontière avec les Étrusques) et donc de construire un pont en bois avec des poutres dites “sublicae” (d’où le nom qui est resté). Ce pont fort ancien était considéré sacré, sujet à des rites païens et se trouvait à la hauteur de l’actuelle Porta Portese donc plus haut. Le pont actuel en revanche fut construit pour relier Porta Portese et Monteverde au Testaccio et Ostiense. Il s’agit d’un pont en pierre à trois arcades et a gardé le nom du premier.

  • Pont Emilio ou Ponte Rotto (cassé) en 142 av. JC : les malheurs du Pont Emilio !

Il fut nécessaire de construire un pont en pierre à côté du pont Sublicio pour faire passer les chars et les matériaux lourds en provenance des caves de Monteverde. Sa construction voulue par le censeur Marco Emilio Lepido, demanda 37 ans ! A cause de sa position oblique par rapport à l’axe du fleuve, il subit souvent la violence des eaux et connut de nombreuses reconstructions et changea de noms : “ponte Massimo” quand Auguste devint Pontefice Massimo, puis “Pont de Santa Maria” au IX° siècle pour la création de l’église Santa Maria Egiziaca et enfin “Ponte Senatorius” en 1144 pour l’initiative des Sénateurs. En 1552, il subit une reconstruction sur projet de Michel Ange et fut de nouveau emporté par l’alluvion. En 1573 le Pape Grégoire XIII Boncompagni voulut sa reconstruction avec inscription et bas-reliefs (des dragons bien sûr comme sur ses armoiries) pour alimenter en eau la fontaine de Santa Maria in Trastevere mais en1598 il fut de nouveau détruit. On l’appelle aujourd’hui “Ponte Rotto” (cassé).

- Ponte Fabricius et Ponte Cestius (192 av. JC)

L’île Tibérine a la forme d’un navire et est reliée à la rive gauche par le Pont Fabricius, édifié en
62 av. JC. (année où Cicéron fut élu consul) pour remplacer le pont en bois détruit dans un incendie.
Il porte le nom du “curatore viarum” Lucius Fabricio qui s’occupa de sa construction comme l’indique l’inscription sur l’arcade mais on l’appelait aussi le “pont des juifs” quand la communauté juive s’installa dans le quartier nommé le Ghetto. C’est certainement l’un des plus anciens avec le pont Milvio puisqu’il a encore sa structure d’origine depuis 2000 ans.

Le pont Cestio relie l’île à la rive droite au rione Trastevere. Il fut construit par Lucio Cestio, frère du censeur Caio Cestio qui voulut sa tombe en forme de pyramide à Porta San Paolo ou Place “Piramide”.

  • Ponte Milvio (109 av. JC)

    Certainement l’un des plus anciens et des plus importants pour sa position : il permettait de sortir de la ville, de prendre la Flaminia pour aller au nord vers l’Adriatique ou la Cassia vers la Toscane ainsi que la “Clodia” et la “Veientana”. Pont en bois, au IV-III°siècle av. JC. Il fut construit en pierre à la demande d’un magistrat qui lui donna son nom. Mais les romains l’appellent ironiquement “Ponte mollo” car il subit tellement de crues du Tibre, qu’il flottait “a mollo” !
    C’est un pont important pour l’histoire romaine et pour le Christianisme, lié à la conversion de Constantin. En 312 av. JC, à la bataille de Ponte Milvio que l’empereur Constantin I gagna contre l’usurpateur Massenzio, une légende raconte qu’il eut la vision d’une croix avec l’inscription “In hoc signo vinces”, c’est pourquoi il choisit le christianisme comme religion officielle de l’Empire.
    Les Papes Niccolò V et Clément III effectuèrent des travaux de restauration, entre autres la reconstruction de l’ancienne tour de garde.
    En 1805, la restauration par l’architecte Valadier fut particulièrement importante pour honorer le retour du Pape Pio VII de Paris après le couronnement de Napoléon. Il enleva les deux pont-levis en bois pour réaliser un pont en pierre avec arcades et créa l’entrée de la tour en forme d’arc.

En 1849, l’arc fut en partie détruit par les troupes de Garibaldi afin de retarder l’entrée des troupes françaises (événement évoqué sur une pierre tombale à l’intérieur).
Aujourd’hui, c’est le pont des amoureux qui ont pris l’habitude d’accrocher un cadenas comme témoignage de leur amour et de jeter la clé. Depuis 2012, la ville de Rome a été obligée de créer des piliers sur le pont pour accrocher ces cadenas qui pesaient trop lourds.

  • Ponte Sisto

    Au début (en 215 ap. JC) il s’appela “pons Aurelius” du nom de l’empereur Caracalla. Puis il connut différentes appellations (Aurelius,Antoninus, Valentiniani, Janiculensis !) suivant les reconstructions successives. Il devint définitivement le pont Sisto quand le Pape Sixte IV le fit construire en 1475 pour le Jubilé afin de relier via Giulia au rione Trastevere. Il est réservé uniquement aux piétons et aux amoureux du panorama.
  • Peut- être le plus beau, le plus riche est le Ponte Sant’Angelo

    Anciennement appelé Pons Ælius, il a été construit en 134 par l’empereur Hadrien pour relier la ville à son imposant Mausolée. Dans les transformations suivantes, le Château Saint-Ange de simple forteresse militaire devint une résidence papale (avec vue sur la Basilique Saint-Pierre) et le pont fut rénové et orné des célèbres anges du Bernin qui ont entre leurs doigts les signes de la passion du Christ. Au début du pont, on voit tout de suite les deux grandes statues des Saints patrons de Rome Saint Pierre et Saint Paul.
    Pendant plusieurs années, le pont Sant’Angelo devint l’endroit où l’on exécutait les coupables soumis à la peine de mort et l’on exposait les corps des condamnés à mort. La première exposition remonte à l’année sainte du XVI° siècle et se poursuivit avec 18 autres pendaisons.
    Pourquoi s’appelle-t-il Sant’Angelo ? En 590 ap. JC, le Pape Grégoire le Grand eut la vision de l’archange Gabriel qui rangeait une épée dans son étui comme signe de guérison de la peste et il décida de placer un ange en haut du château.

Rome a trois ponts récents et modernes :

  • Le pont de la musique (pour piéton) : design moderne en acier et ciment qui lui donne une extraordinaire légèreté accompagnée d’un arrière-fond de musique. Nous ne sommes pas loin de l’Auditorium Parco della Musica de Renzo Piano.-
  • Le pont de l’héroïne  : Settimia Spizzichini (seule survivante parmi les femmes du ghetto déportées à Auschwitz). Mais celui-ci ne surplombe pas le Tibre.-
  • Le pont de la science : pour piétons et cyclistes, qui relie Ostiense et le gazomètre Testaccio à la rive de l’université Roma Tre, consacré à Rita Lévi Montalcini, , célèbre femme de sciences.

Texte de Marion Simprez