Le Ghetto

Le Ghetto

Découvrir le Ghetto

Un quartier plein de charme aujourd’hui mais son histoire n’a pas toujours été aussi charmante !

C’est un petit quartier animé avec ses petites ruelles étroites, ses restaurants qui étalent leurs tables sur le trottoirs où l’on peut goûter les délices de la cuisine judéo-romaine et casher comme le fameux “artichaut alla giudia ou à la juive”, ou encore faire la queue à la fameuse pâtisserie Boccione qui vend les gateaux typiques de la tradition juive romaine comme la tarte à la ricotta (fromage blanc).

Pour un peu de culture, il y a aussi la librairie Menorah, très bien fournie en ouvrages modernes ou anciens sur le judaïsme en italien, français et anglais.

Après s’être régalé, allons découvrir toute la richesse du quartier avec ses témoignages historiques, culturels et religieux, malgré les nombreux siècles passés :

  • En se promenant dans ses ruelles caractéristiques, pleines de mystère et d’histoire comme via della Reginella, via di Sant’Ambrogio, via del Tempio, place delle Cinque Scole (ex piazza Giudia) et piazza dei Cenci.
  • En regardant la façade de l’église S.Gregorio della Divina Pietà ornée d’une inscription en latin et hébreux citant le prophète Isaïe s’adressant “à ce peuple rebelle qui agit selon ses idées…”. Cette petite église fut dédiée au pape Grégoire le Grand qui a garanti la liberté de culte aux juifs dès le XVIème siècle.
  • En se rendant à la “Platea Judea”, la grande Place : la Piazza delle Cinque Scole (ex place Giudia, coeur du quartier) avec la fontaine de Giacomo della Porta (1591), dédiée au souvenir des cinq synagogues de l’ancien ghetto. A dire vrai, elle est connue comme “fontana del pianto” (qui pleure) du nom de l’église Santa Maria del Pianto qui se trouve sur la place.
  • Ou en découvrant la ravissante piazza Mattei avec sa célèbre fontaine des tortues, oeuvre du Bernin, (seulement des copies pour sauver les trois exemplaires authentiques aux musées Capitolins), entourée de palais des familles nobles, en particulier ceux de la famille Mattei : on parle même de “l’insula Mattei”.

Un coup d’oeil au magnifique palais Mattei di Giove construit par Carlo Maderno entre 1598 et 1618, situé entre via Michelangelo Caetani et via dei Funari, en briques et travertins sur trois étages dont la corniche est ornée des blasons des Mattei (l’échiquier) et des Gonzaga (l’aigle) et qui possède l’une des plus belles collections privées de Rome.

La famille Mattei fut très importante dès le XIVème siècle mais ils devinrent aussi célèbres pour leur violence et les luttes internes au sein de la famille et même des crimes ! Ils furent chassés de Rome au XVIème siècle !
Ce palais accueille aujourd’hui des institutions culturelles comme le centre italien des études américaines, la bibliothèque et l’institut d’histoire moderne et contemporaine.
Osez un coup d’oeil dans la cour !


Entrons par le “Portico d’Ottavia”, lieu symbolique de l’Ancien Ghetto. Il s’agissait d’un bâtiment colossal d’une grande importance dans la Rome Antique, porche à double colonnade construit (au 1er siècle avt JC) à la demande d’Auguste et consacré à Ottavia (Octavie la Jeune) sa soeur bien aimée. Ce portique marquait l’une des cinq issues de ce quartier formé de ruelles serrées.

Incroyable ! Au Moyen-Age un marché aux poissons fut construit sur les vestiges du Portique, appelé “Forum Piscium”ou “Pescheria Vecchia” et à la droite du grand arc se trouve une plaque en latin qui déclare que les têtes de tous les poissons (à savoir la partie la meilleure) devaient être données aux Conservateurs -(hauts fonctionnaires) sous peine d’amendes ! L’église de Sant’Angelo in Pescheria comme son nom l’indique, fut construite à l’intérieur de l’ancien marché aux poissons.

C’est donc là que les juifs s’installèrent il y a 2000 ans de part et d’autre du Tibre (d’abord à Trastevere puis dans l’Ancien Ghetto). La communauté juive remonte au premier siècle avt JC, esclaves provenant de la Palestine sous la domination romaine mais ils vécurent sans problème avec la population chrétienne jusqu’à la Renaissance.
Les problèmes arrivèrent avec le pape Paul IV (et souvent bien d’autres). Pour contraster la plus grande communauté non chrétienne et affirmer son autorité, il promulga une bulle en 1555, par laquelle tous les juifs devaient vivre confinés dans une véritable enceinte.
Termes de la bulle : “Parce qu’il est absurde et inconvenant au plus au point que les juifs, condamnés pour leurs fautes par Dieu à l’esclavage éternel, puissent avec l’excuse d’ être protégés par l’amour chrétien, être tolérés dans leur cohabitation parmi nous”.

Les murs de l’Ancien Ghetto furent construits en moins de trois mois !

Les juifs devaient aussi respecter des régles sévères :

  • Ils ne pouvaient pratiquer leur culte que dans leurs écoles situées dans une ruelle étroite entre les murs d’ immeubles.
  • Ils pouvaient sortir pendant la journée mais devaient rentrer avant 8h à la fermeture du ghetto par de grosses portes surveillées par des gardes.
  • Ils devaient porter un signe de reconnaissance pour se distinguer des chrétiens et assister à des sermons dans l’espoir de les convertir. Ils n’avaient pas le droit d’acquérir leur habitation.
    Plus de 5000 personnes habitaient dans des immeubles surpeuplés, dans un quartier malsain, souvent inondé à chaque crue du Tibre. Et ils furent forcés d’y rester jusqu’en 1870, date de la fin de la domination papale avec la liberté de vivre où ils voulaient.

En 1904, a été inaugurée le Grand Temple ou la Synagogue, point de référence culturelle avec le musée juif à l’intérieur.

Le ghetto a connu également la plus grande rafle de juifs de l’histoire (16 octobre 1943).
L’importance de ne pas être oublié.

Dans le ghetto comme ailleurs dans Rome, il n’est pas rare de voir ces pavés dorés ou pierres d’achoppement recouvertes d’une plaque de laiton appelées “pietre d’inciampo”.
Argument déjà traité dans le Quid Novi numéro 8. Vous pouvez le retrouver en cliquant ICI
Chaque pierre rappelle la mémoire d’une personne déportée dans un camp de concentration, encastrée dans le trottoir devant le domicile de la personne.

Voilà ! ce petit aperçu voulait juste permettre de découvrir un peu plus ce quartier très particulier, empreint de souffrances, d’histoire et de religion mais plein de charme.

Texte de Marion Simprez