Florarium : en juillet, la Lavande

En ce début de mois de juillet, voilà pour vous un épi bleu à glisser dans votre valise, une fleur à tout faire, une trousse de première urgence, toute une pharmacie à elle seule, au parfum aussi frais qu‘irrésistiblement évocateur :
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Florarium : en juillet, la Lavande

C’est une clé olfactive qui ouvre les armoires de nos souvenirs, les grandes armoires à linge bien rangées de nos maisons d’enfance, aux lourdes piles de draps blancs ajourés, nappes et serviettes de lin repassées avec soin, et le parfum des sachets de lavande glissés au milieu de ce qu’on appelait autrefois un trousseau… un nom bien désuet aujourd’hui, mais le charme odorant, rassurant de ces armoires reste intact.
“Chez eux, ça sent le thym, le propre, la lavande et le verbe d’antan “ chante Jacques Brel…
Oui, le thym, la lavande, la sauge, la sariette, la marjolaine… ce sont les parfums de la garrigue où pousse la lavande, là où il fait chaud et sec, sur les terres arides du bassin méditerranéen.

“Lavandula officinalis” : son nom latin est le gérondif du verbe “lavare “, “ qui doit être lavé “ ou mieux en l’occurrence ,“à utiliser pour laver”. Depuis l’Antiquité, en effet, la fleur sert à parfumer l’eau destinée à la toilette. Les Romains qui fréquentaient les thermes en faisaient bon usage !
Et aujourd’hui encore, la lavande a ses fidèles, convaincus que son parfum est la seule fragrance possible et acceptable, la lavande discrète et raffinée qui sent le propre, summum de l’élégance.
Le nom de la lavande a été fixé définitivement par Linné en 1753. Avec son inflorescence en forme d’épi, fortement aromatique, la lavande appartient à la famille des Lamiaceae.
C’est une plante vivace toujours verte, aux longues tiges droites simples ou ramifiées, d’une trentaine de centimètres de hauteur, pouvant atteindre un mètre cinquante, qui devient ligneuse avec les années. Elle fleurit en juillet et en août. Ses feuilles gris-vert sont opposées ou fasciculées à la base de la plante.

La lavande se reproduit par pollinisation, grâce aux insectes, notamment aux abeilles qui en raffolent et en font leur miel !
Ses graines sont disséminées par les fourmis, attirées par leur appendice huileux, ou tout simplement portées par le vent.
Il en existe une trentaine de variétés, dont une xérophile, qui pousse sur les arbres, au Brésil !
Mais dans nos contrées, outre la lavande officinale, on trouve surtout, sur les terrains riches en silice, la lavandula stoechas, aux fleurs pourpres portant houppette, comme un pompon sur leur épi, comme un élégant bibi, au parfum étourdissant tant il est fort !
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Et une autre variété, lavandula latifolia, qui fleurit plus tardivement en altitude (autour de 1000 mètres), dont le parfum camphré est moins apprécié en herboristerie.
La durée de vie des lavandes est d’environ 10 ans. Et ses fleurs, même sèches, ont la propriété unique de rester odorantes pendant des années : il suffit de frotter, ou de chauffer dans vos mains un sachet de lavande resté au fond d’un tiroir pour que revienne le parfum qu’on aime… on l’aime pour la sérénité qu’il nous donne , pour la couleur délicate de ses fleurs volontiers associée au silence et à la contemplation.

La lavande pousse au Moyen-Âge avec les autres “simples” dans les jardins de tous les monastères. C’est une plante médicinale aux vertus infinies…
On lui reconnaît de multiples propriétés (mais attention, ne me prenez pas au pied de la lettre, je ne suis pas médecin !) :
elle serait antiémétique, antiseptique, analgésique, antinévralgique, vasodilatatrice, bactéricide . Elle décongestionne les voies respiratoires en cas de rhume ou de grippe. Elle abaisse, dit-on, la tension, calme le mal de tête, et on recourt à elle en cas de problèmes digestifs. Légèrement sédative, elle aide à s’endormir (6 gouttes d’essence dans un bain chaud ou deux gouttes sur votre oreiller). Elle soigne les piqûres d’insectes.
En aromathérapie, on considère qu’elle rééquilibre le système nerveux et on l’utilise comme antidépresseur.
En homéopathie, elle est associée à d’autres substances contre les maux d’oreilles…ou de dos.
La lavande se met en quatre pour vous aider dans votre vie quotidienne : elle sert d’anti-mite, de répulsif naturel contre les moustiques… vous pouvez la boire en tisane (délicieuse !!!), et même vous rincer les cheveux avec une décoction de ses fleurs.
Bref, la lavande, c’est la PANACÉE UNIVERSELLE

La lavande triomphe aussi dans le domaine de la parfumerie, je ne vous apprends rien…puisque l’huile essentielle de lavande est la plus utilisée de toutes.
Par distillation de ses fleurs fraîches, on obtient une essence aromatique à l’amertume légère, soluble dans l’alcool.
À l’époque où l’on combattait la peste à Toulouse (1628-1631), elle entre dans la composition du fameux “vinaigre des quatre voleurs” censé protéger de la contagion ceux qui profitaient de l’épidémie pour dévaliser les maisons.
À partir de la fin du 18ème siècle, le pot-pourri est à la mode : c’est un mélange odorant de fruits, de fleurs, de racines et de feuilles, dont la lavande est souvent l’élément principal.
La lavande, “spighetta di San Giovanni”, ne peut manquer, la nuit du 23 juin, dans la préparation de l’eau de la Saint-Jean, car la cueillir à la Saint-Jean décuplerait ses effets bénéfiques !
Car la lavande, sì proprette, si pure et si fraîche est aussi un peu magicienne…
Son épi est une amulette qui protège du malheur, du démon et des idées obsessionnelles qu’il inspire. Depuis l’Antiquité, c’est un talisman qui assure prospérité et fécondité. Toujours pendant la nuit de la Saint-Jean, la lavande fait fuir les sorcières et éloigne les dangers.
Dans le mythe grec, la lavande est dédiée à Eucate, déesse de la lune, protectrice des devins et des magiciens.
Un bouquet de lavande dans la maison protège des esprits malins et des influences négatives.
Voici comment faire votre bouquet : au moment du solstice d’été, faites votre cueillette tôt le matin, car dans la journée, le soleil chauffe l’épi et provoque l’évaporation de l’huile essentielle. Coupez jusqu’aux premières feuilles et faites sécher la tête en bas enveloppé dans un tulle pour recueillir les fleurs sèches et protéger de la lumière . En une semaine, votre bouquet propitiatoire est prêt !
En pays kabyle, les femmes attribuent à la lavande le pouvoir de leur épargner les mauvais traitements de leurs maris, et chantent : “Santé, lavande ! Que mon mari ne me batte pas, qu’il ne me fasse pas de mal !”
En Toscane, à Valdinievole, on pense qu’elle protège les enfants du mauvais œil.
Et bien sûr, c’est aussi un philtre d’amour, puisque Vénus se servait de son parfum pour attirer les hommes. Voilà peut-être la raison pour laquelle le trousseau des jeunes mariées sentait la lavande.

JPEG Pour en savoir plus sur la lavande, rendez-vous en Provence, à Cabrieres d’Avignon, dans le Luberon, au Musée de la lavande, ouvert depuis 1991 au cœur d’un jardin méditerranéen, pour y découvrir les objets du patrimoine des producteurs-distillateurs , comme une collection d’alambics destinés à extraire l’huile essentielle. Un parcours pédagogique est destiné aux enfants, ainsi que des ateliers.
L’inévitable boutique propose , de la savonnette à la bougie d’ambiance, toute une série de produits à la lavande.
En Italie, dans le même esprit, vous pouvez aller visiter le PARCO DELLA LAVANDA de Campotenese.
Quant à moi, j’ai été sidérée d’apprendre que dans les séries sentimentales chinoises , un épisode (déclaration d’amour, fiançailles, voyage de noces) doit obligatoirement se dérouler… dans un champ de lavande provençal !!!

Comme toujours, c’est le poète qui a le dernier mot :
La Lavandière
As-tu vu le poisson bleu
Qui nageait dans la rivière ?
Il t’apportait la lavande,
La lavande en bouquet bleu.
Poisson bleu, fleur de lavande.
Poisson bleu.
Robert Desnos, Chantefleurs (1944)

Texte de Nicole Allegra